MANU MARCENET « LA ROUTE » ROMAN GRAPHIQUE

La Route de Cormac McCarthy

Auteur historique de Fluide Glacial, Manu Larcenet a longtemps alterné humour et drame dans ses créations. Alors qu’il vient de livrer son adaptation en roman graphique du chef d’œuvre de Cormac McCarthy, “La route”, il nous parle de ce qui nourrit son œuvre.

Manu Larcenet Auteur de bande dessinée, éditeur

Manu Larcenet, c'est l'histoire d'un petit garçon qui découvre Cabu dans Récré A2 et qui, bien des années plus tard, s'impose dans sa discipline, la bande-dessinée, avec les succès de librairie que l'on connaît.

Le retour à la terre, co-écrit avec Jean-Yves Ferri, dépeignait avec tendresse son installation à la campagne. Le Combat ordinaire, se faisait le portrait sensible d'un photographe de presse exilé, lui aussi, à la campagne. Un chat nommé Adolf en prime. Puis, à la façon d'un compagnon du devoir, il livrait son chef-d’œuvre, Blast. En quatre tomes, Manu Larcenet livrait des pages inquiétantes, désespérantes, dérisoires, somptueuses aussi.

Si son trait a évolué depuis ses débuts au sein du journal Fluide Glacial qu'il rejoint en 1994, l'angoisse intime et la réflexion ont toujours été un moteur de son travail.

Dès les débuts des Rêveurs, petite maison d'édition indépendante qu'il avait fondée avec son ami Nicolas Lebedel, il livrait des œuvres personnelles, plongeant dans ses insomnies (Dallas Cowboy, 1997) ou encore la brutalité du service militaire (Presque, 1998). Avec la récente série Thérapie de Groupe (trois tomes entre 2020 et 2022), le dessinateur s'imagine en auteur incapable de trouver une idée pour sa prochaine BD. Moins en peine que son alter-ego fictif, Manu Larcenet a trouvé du côté de La Route Cormac McCarty un scénario idéal pour pousser son dessin encore plus loin.

Récit des pérégrinations d'un père et de son fils dans une Amérique post-apocalyptique, le roman avait déjà été adapté au cinéma par John Hillcoat en 2019. Avec cette bande-dessinée, c'est un nouveau regard qui est posé sur le chef-d'oeuvre du regretté romancier américain.

Dans la fabrique d’une adaptation virtuose : La route de McCarthy

Que ce soit pour la mise en image de ses propres textes, ou une adaptation, Manu Larcenet dit avoir toujours la même exigence : trouver la « tension interne » à l’œuvre. Ce n’est qu’à cette condition qu’il ne s’ennuie pas. Les deux tomes du Rapport de Brodeck, parus respectivement en 2015 et 2016, d’après le roman de Philippe Claudel qui a remporté le prix Goncourt des lycéens en 2007, a marqué la première incursion du bédéaste dans l'exercice de l'adaptation. Il en renouvelle aujourd’hui la pratique avec La Route, d’après le roman postapocalyptique de Cormac McCarthy publié en 2006. Au cours de l’entretien, il nous raconte les enjeux de cette adaptation et ses partis pris graphiques :

« Le roman de McCarthy, c'est surtout un roman sur la lourdeur. Tout est lourd, donc il a fallu que je descende mes cadrages très bas dans les cases pour donner cette impression. C’est pareil pour les couleurs. Si je faisais des couleurs très vives, le dessin devenait un support à la couleur. Alors que dans ma psychè à moi, c'est la couleur qui doit apporter ce léger support au dessin, sans le bouffer pour autant. Ce sont de subtils équilibres qui ne dépendent que du récit, de l'ambiance qu'on veut donner aux choses »

Récit des pérégrinations d’un père et de son jeune fils dans une Amérique dévastée, en proie aux hordes de cannibales, le roman La Route avait été porté à l’écran en 2009 par John Hillcoat, avec Viggo Martensen et Charlize Theron. Pour son adaptation en roman graphique, Manu Larcenet nous explique avoir architecturé la moitié du livre après trois lectures intensives, puis s’être laissé surprendre pour la deuxième moitié :

« La bande dessinée peut être un tunnel. Vous êtes vachement content quand vous commencez et puis au bout de la 20ᵉ case, vous vous dites qu'il vous en reste plus de 100 encore... Donc, pour ne pas perdre l'enthousiasme, j'ai essayé d'avoir la deuxième moitié du livre comme une surprise chaque matin. C'est-à-dire que j'ai établis mon vocabulaire graphique sur la première moitié. Je découpe, je bute, je résous certains problèmes, et je sais que je saurais les résoudre si ces problèmes-là se présentent de nouveau. Mais pour la deuxième moitié, j’arrivais chaque matin, je tournais la page, et je me disais « ah oui c’est vrai ! ». Parce que si ça vous lâche, vous êtes à l'usine et ça se voit comme le nez au milieu de la figure »

La page noire

Dessinateur rigoureux et compulsif, Manu Larcenet n’a pas l’angoisse de la page blanche, bien au contraire. Au cours de l’entretien, il nous confie garder en permanence avec lui du papier et des stylos, et ce depuis tout petit, car le dessin a toujours été un moment privilégié pour lui, le seul où il peut se concentrer.

« Dans mon métier, il y a deux genres d'auteur. Il y a les virtuoses. Blutch par exemple, c'est un virtuose, il a un œil, quelque chose de plus. Et puis il y a ceux qui puent la sueur. Au début j'étais très vexé quand on me l'avait dit et finalement je me dis que c'est comme ça que je suis. Je ne suis pas virtuose, je suis un mec qui doit bosser des heures et des heures pour arriver à sortir un dessin. Au début, je me sentais un petit peu étriqué là-dedans, et puis finalement je me dis que c'est ma manière »

À l'occasion de la sortie du livre ce jour même, Arnaud Laporte reçoit Manu Larcenet pour revenir, le temps d'un entretien au long cours, sur son parcours, ses méthodes de travail et son actualité.

Lire un extrait

https://www.dargaud.com/bd-en-ligne/la-route/16862/4270f1a72f84e2864e7d078b33cd4b97

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BIOGRAPHIE

Emmanuel Larcenet, dit Manu Larcenet ou simplement Larcenet, est un auteur de bande dessinée français, né le 6 mai 1969 à Issy-les-Moulineaux.

De 1994 à 2006, il collabore au magazine Fluide glacial, pour lequel il réalise essentiellement des récits humoristiques, tout en publiant des œuvres plus intimes aux Rêveurs, maison d'édition qu'il crée en 1998, avec Nicolas Lebedel.

Au début des années 2000, il accède à une large reconnaissance critique grâce à plusieurs albums édités par Dargaud : la série humoristique Le Retour à la terre, scénarisée par Jean-Yves Ferri, s'impose comme son plus gros succès commercial, tandis que Le Combat ordinaire obtient le prix du meilleur album à Angoulême en 2004.

Il confirme ce statut durant les années 2010 en signant les très sombres Blast (2010-2014) puis Le Rapport de Brodeck (2015-2017).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Manu_Larcenet

Comment dessiner La Route ?

Après "Le Rapport de Brodeck", le dessinateur de "Retour à la Terre", "Blast" et du "Combat ordinaire", s’attaque au grand roman d’anticipation de Cormac McCarthy publié 2006. Il rend toute l’horreur de la survie dans un monde décimé. Il explique ici comment il s'y est pris pour dessiner la BD.

Plus d'informations sur la BD : https://www.radiofrance.fr/franceinte

Plus de BD : https://www.radiofrance.fr/arts-diver

https://youtu.be/syUsjEPNJyU

POUR EN SAVOIR PLUS

Vidéo du chapitre

La Route de Cormac McCarthy, tableau sombre et désespéré d'un monde post-apocalyptique, sert de toile de fond à l'audacieux nouvel album de Manu Larcenet, "La route", parue chez Dargaud. Entre les pages de cette bande dessinée, le lecteur est plongé dans un univers où l'espoir est une rare lueur dans l'obscurité. Manu Larcenet, maître de la BD française, déploie son talent artistique avec une palette de gris saisissante, capturant l'angoisse et la désolation qui imprègnent chaque image. À travers le voyage d'un père et de son fils, poussant un chariot sur une route sans fin, l'artiste captive et terrasse, offrant une expérience visuelle inoubliable.

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