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HISTOIRE, PATRIMOINE, PEINTURE, SCULPTURE, PERFORMANCE,

MATISSE, COMME UN ROMAN CENTRE POMPIDOU 

MATISSE, COMME UN ROMAN  CENTRE POMPIDOU 
MATISSE, COMME UN ROMAN  CENTRE POMPIDOU 
MATISSE, COMME UN ROMAN  CENTRE POMPIDOU 
MATISSE, COMME UN ROMAN  CENTRE POMPIDOU 
MATISSE, COMME UN ROMAN  CENTRE POMPIDOU 
MATISSE, COMME UN ROMAN  CENTRE POMPIDOU 

21 OCTOBRE 2020 > 22 FEVRIER 2021

Galerie 1, Niveau 6

 

À l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de la naissance d’Henri Matisse (1869-1954), le Centre Pompidou lui rend hommage au travers de l’exposition « Matisse, comme un roman », riche de plus de 230 œuvres et 70 documents et archives. « L’importance d’un artiste se mesure à la quantité de nouveaux signes qu’il aura introduits dans le langage plastique », déclarait Matisse. Sa vie durant, il a été ce novateur décisif. Un parcours chronologique en neuf chapitres retrace les débuts du jeune artiste, tard venu à la peinture dans les années 1890, jusqu’à la libération complète de la ligne et de la couleur avec les gouaches découpées réalisées à la fin de sa vie.

 

L’exposition déploie pour la première fois une centaine d’œuvres issues de la collection du Musée national d’art moderne, l’une des plus significatives par son importance, représentative de toutes les techniques approfondies inlassablement par Matisse. Pour cet événement en forme de célébration, la collection du Centre Pompidou est étoffée de prêts remarquables consentis par les musées hexagonaux : les deux musées Matisse, au Cateau Cambrésis et à Nice, ainsi que la riche collection Matisse du musée de Grenoble, dont l’Intérieur aux aubergines (1911), est déplacé pour l’exposition de manière exceptionnelle.

Cette réunion d’œuvres-clés issues de collections françaises et internationales majeures, publiques et privées, illustre la trajectoire de Matisse sur plus de cinq décennies au cours desquelles se sont écrites des pages capitales de l’art moderne.

Rejouant le titre de l’ouvrage de Louis Aragon, Henri Matisse, roman (1971), l’exposition « Matisse, comme un roman » reprend son principe de cheminer dans l’œuvre, cherchant, comme dans le livre, à capter « une lueur sur ce qui se passe ». Chacune des neuf séquences de l’exposition est éclairée par le regard d’un auteur porté sur l’œuvre matissien : Louis Aragon, Georges Duthuit, Dominique Fourcade, Clement Greenberg, Charles Lewis Hind, Pierre Schneider, Jean Clay et Henri Matisse lui-même. En écho à ces écrivains, critiques et poètes, l’exposition interroge la relation de Matisse à toutes les écritures – du signe plastique au mot.

 

« Où marquer ce commencement ?1 », s’interroge Aragon dans Henri Matisse, roman. Dès ses débuts dans les années 1890, Matisse s’essaye à différentes pratiques. Ce peintre, sculpteur, dessinateur, graveur voulait trouver « une écriture pour chaque objet ». Artiste de l’exigence critique, soucieux d’apporter sa vie durant un éclairage sur son processus créatif, il fait naître malgré lui un Matisse écrivain. Ainsi, « Matisse explique Matisse2 » : « un tableau fauve est un bloc lumineux formé par l’accord de plusieurs couleurs, formant un espace possible pour l’esprit (dans le genre, à mon sens, de celui d’un accord musical) [...]3 ». Durant la période fauve (1905-1906), il s’aventure dans une reformulation radicale de la couleur et du dessin.

 

Cette authentique révolution du regard se reconfigure dans les années 1910 autour d’une réflexion sur le décoratif, dont l’un des exemples les plus magistraux est l’Intérieur aux aubergines (1911), seul des « intérieurs symphoniques » à être conservé en France. Cette nouvelle écriture plastique ne se fixe pour autant pas en un style : dans les années 1910, le peintre cherche à éprouver les diverses tendances qui traversent la scène artistique de son époque – le cubisme, notamment, avec Tête blanche et rose (1914). En 1917, son départ pour Nice et la décennie qui s’ensuit délaisse la dimension expérimentale d’un art parvenu presque au seuil de l’abstraction : le peintre choisit de retourner à un sujet modelé par la lumière.

La question littéraire dans l’œuvre de Matisse prend un nouveau tour à partir des années 1930, alors qu’il s’attache au livre illustré avec les Poésies de Mallarmé, qui entrent en résonance avec certaines toiles iconiques de cette période comme Nymphe dans la forêt (La Verdure) (1935-1943). En 1947, Matisse parvient avec Jazz à entrelacer la plastique et le mot, en concevant des gouaches découpées et des textes manuscrits. Le caractère expansif de la couleur et du noir et blanc se retrouve dans le dialogue intime entre les « Intérieurs de Vence » et les dessins au pinceau. Enfin, les vitraux colorés et les céramiques de la chapelle de Vence à la fin de sa vie, témoignent encore d’une migration ininterrompue de l’œuvre à l’écriture dans ce que Matisse voyait comme un grand livre ouvert dans l’espace.

 

AUJOURD’HUI, L’INTERIEUR AUX AUBERGINES

Par Rémi Labrusse, professeur d’histoire de l’art, université Paris-Nanterre

Texte extrait du catalogue de l’exposition édité par le Centre Pompidou

De l’Intérieur aux aubergines, la vérité a couvé longtemps dans une demi - obscurité. Ce n’est qu’en 1974, dans un article de Dominique Fourcade publié par la revue Critique, « Rêver à trois aubergines…2 », qu’elle s’est vraiment déployée au grand jour, en des termes qui continuent aujourd’hui à conférer à l’œuvre sa contemporanéité, en dépit du temps passé. Cent neuf ans : autant dire qu’historiquement, l’Intérieur devrait nous apporter des nouvelles d’un autre siècle, d’un autre monde, comme pouvait le faire aux yeux de Matisse en 1911, disons, la Maja vestida de Goya, elle aussi vieille de cent neuf ans lorsque l’artiste l’a découverte en Espagne, quelques mois avant de peindre son Intérieur. Et néanmoins, entre la toile peinte par Matisse à Collioure à la fin de l’été 1911 et nous, outre l’impression de présence qui relève de la capacité de toute grande œuvre à trouer le temps, semble s’établir aussi un sentiment historique de communauté de destin. Sa condition, nous dit-elle, est aussi la nôtre ; nous partageons un même monde, sommes nourris des mêmes questions, enlacés encore – pour combien de temps ? – dans les mêmes nœuds de civilisation. La singularité de l’Intérieur, c’est que cette condition partagée a mis longtemps à être clairement identifiée et formulée.

 

À l’origine, pourtant, tout semblait en place pour faire immédiatement de l’œuvre le manifeste éclatant d’un temps nouveau. Sa création la situe dans la série des « Intérieurs symphoniques » de 19113 - comme Alfred Barr les a baptisés a posteriori - de La Famille du peintre, commencé à la toute fin de l’année 1910 en Andalousie, à L’Atelier rouge, achevé en décembre 1911, au retour de Russie, ou au tout début de 1912, en passant par L’Atelier rose, réalisé à Issy-les-Moulineaux au printemps, en lien avec une commande de « décoration » pour la demeure moscovite de Sergueï Chtchoukine. Dans ce contexte d’effervescence créative, stimulée par des commandes de première importance, Matisse s’est installé à Collioure de la fin du mois d’août à la mi-octobre 1911 : retrouvailles avec un lieu fondateur, celui de l’invention du fauvisme six ans auparavant, et retraite essentielle pour mener à bien, comme il l’écrit en septembre à Ivan Morosov, « un travail décoratif important 4 ».

 

TEXTES DE SALLES

1. Où marquer ce commencement ? 1895-1903

L’œuvre de Henri Matisse s’embrase à partir de plusieurs foyers : autant d’étapes qui, déjouant toute progression linéaire, s’offrent comme les scansions presque simultanées d’une plongée en soi. En 1891, Matisse entre auprès de William Bouguereau à l’académie Julian – il en retiendra une prédilection pour le nu et une rigueur absolue – mais il lui manque un espace de liberté pour que cette discipline ne se fige pas en procédé. Il le trouve l’année suivante dans l’atelier de Gustave Moreau à l’École nationale des beaux-arts. Là, Matisse diversifie les modèles, de la sculpture antique aux maîtres du Louvre, tout en se laissant la liberté de regarder ailleurs, notamment vers la figure singulière que représente alors Paul Cézanne. Il élargit le cadre d’apprentissage : par-delà l’atelier ou le musée, il travaille au plein air et se confronte à d’autres lumières, voyageant en Bretagne (1895-1897) et en Corse (1898). À chaque fois alors que son œuvre se cristallise dans une manière qui pourrait s’établir, Matisse marque un coup d’arrêt – nourrissant à partir de là un autre départ de feu. Car il s’agit pour l’artiste de s’exercer, par des mains multiples, afin de trouver une écriture qui lui soit propre. Ne ressembler qu’à soi-même, c’est ainsi le conseil adressé à son camarade Victor Roux-Champion en 1896 – « […] être personnel avant tout et pour cela être sincère. Seriez-vous aussi fort qu’Holbein, vous n’existeriez pas, vous ne seriez qu’une doublure » – dans une formule qui tient lieu d’engagement.

 

2. Un bloc lumineux. 1904-1905

Un basculement s’opère à l’été 1905. Après des années d’apprentissage et de formation marquées par une confrontation ininterrompue avec les mouvements artistiques majeurs de l’époque – tout récemment encore avec le néo-impressionnisme en la personne de Paul Signac – Matisse se rend à Collioure, bientôt rejoint par André Derain. Tous deux travaillent alors, dans un mouvement de concentration plastique et théorique extrême, à un nouveau modèle de l’image. L’enjeu n’est autre que d’affranchir la toile de la représentation mimétique d’un sujet : les lignes ne viennent plus délimiter des contours ni les aplats définir aucune surface, seuls les rapports de couleurs pures structurent la composition. Même chose dans les dessins et gravures – et notamment dans une suite magistrale qui culmine avec le Grand bois – où la surface s’organise indépendamment de tout motif, par le seul équilibre de l’architecture des blancs et des noirs. L’ensemble de ces œuvres picturales et graphiques est présenté aux côtés de celles de ses camarades – Derain bien sûr, mais aussi Charles Camoin, Henri Manguin et Georges Rouault notamment – dans la salle VII du Salon d’Automne de 1905 révélant, avec éclat, ce que la critique qualifiera de « fauvisme ». L’année suivante, Matisse se représente dans un Autoportrait saisissant, et même, note le critique Charles Lewis Hind, « radioactif ». Il y fait acte de sa position ambiguë : en l’absence de centre assignable, il est la figure dominante de cette histoire collective, mais reste solitaire dans le projet auquel il est rivé.

 

3. L’aube de l’art. 1906-1909

Matisse trouve une voie d’affirmation privilégiée de la modernité dans des œuvres ou des objets dont le caractère « primitif » renvoie tout autant aux origines de l’art européen qu’aux arts non-occidentaux. Loin de la nostalgie d’un passé révolu ou de la fascination pour un art lointain, ce qui le retient réside dans l’actualité de ces formes : elles offrent un appui nécessaire pour renouer de manière originaire avec les êtres et les choses. Sans hiérarchie entre les genres ni prédilection pour une époque, au gré de ses voyages, il regarde dans plusieurs directions. Celle des tissus et tapis orientaux, d’abord, cherchant dans la juxtaposition des surfaces une mise en tension qui rompe avec l’illusion mimétique – Les Tapis rouges repose, justement, sur ce rapport entre décoration et expression. Matisse décèle encore dans la sculpture africaine un équilibre entre les masses à même de renouveler le modèle classique du nu, tandis qu’il reprend des mosaïques byzantines la simplification des volumes et la représentation de l’espace pour contrer toute perspective. En témoigne notamment le portrait hiératique de sa fille Marguerite, figure de l’attention qui requiert le regard du spectateur pour s’animer, quand sa Marguerite lisant, figure de l’absorption, y résiste. L’œuvre vient d’ailleurs ouvrir les Notes d’un peintre (1908) dans lesquelles Matisse formule pour la première fois, clair et lucide, les propres fondements de son art.

 

4. Ressemblance en profondeur. 1910-1917

Matisse a quarante-quatre ans lorsque la guerre éclate en août 1914. Sa réponse dans l’épreuve ne changera jamais : faire retour sur soi dans l’extrême concentration du travail. Autour de lui : la famille, les amis de passage, l’atelier du quai Saint-Michel, le jardin d’Issy-les-Moulineaux qui, tous, forment de « nouvelles sensations dans un décor familier ». La période qui s’ouvre confirme les avancées plastiques de Matisse, parvenu dès avant le début des années 1910 à l’invention d’un espace décoratif parfois au seuil de l’abstraction. La guerre voit encore l’adoption de nouvelles orientations d’une radicalité inouïe. Au contact de l’avant-garde parisienne et du cubisme en particulier, les tableaux opèrent une transaction presque fantastique, qui fusionne l’espace plastique et l’espace réel. La couleur noire s’impose aussi comme une nouvelle expression du sentiment de l’artiste. Lumineux ou réflexif, le noir rayonne progressivement et déclinera longtemps la complexité de ses effets dans l’œuvre. Le visage dépeint génère une « sensation principale » avant que l’étude du sujet ne fasse advenir une ressemblance autre, en profondeur. Ces portraits de proches (sa fille Marguerite, représentée avec son chat, nous dévisage dans sa fixité de carte à jouer) ou ces effigies de commande (le collectionneur Auguste Pellerin, l’actrice Greta Prozor) semblent atteindre une connaissance supérieure. Méditatifs, énigmatiques, ils sont aussi, comme le disait Leo Stein quelques années plus tôt, « beaux en quelque sorte ».

 

5. Pas tout à fait la détente. 1918-1929

Alors que Matisse est au sommet de son art, reconnu par les critiques et porté par les collectionneurs, il quitte sa situation désormais établie. Fin décembre 1917, il s’installe seul dans un modeste hôtel de Nice. Les années qui s’ouvrent sont marquées par une production qui délaisse la dimension expérimentale pour renouer avec la figure et le paysage dans lesquels la référence au réel se fait plus nette. Tantôt louée comme un retour au bercail de la grande tradition française après des années d’errance, tantôt blâmée pour n’être qu’un intérim paresseux qui viendrait porter un coup d’arrêt à une avancée fulgurante, cette première période niçoise tient moins d’un relâchement que d’un isolement laborieux dont le dénouement possible l’inquiète. « Je suis rempli d’ardeur. Ça me fait peur », écrit Matisse à sa femme, Amélie, à propos du Grand Paysage, Mont Alban, le 21 mai 1918, « J’ai peur d’être obligé de foutre le camp ». C’est que l’artiste remet en jeu ce qui a été âprement conquis : avec détermination, il élabore une construction du tableau qui ne repose plus sur les rapports de couleurs, mais sur la lumière qui vient modeler le sujet, créant ainsi une nouvelle unité de surface dans un équilibre en tension perpétuelle. Jusque dans ses « Odalisques » qui repensent la question de l’insertion de la figure dans l’espace, de la tension entre volume et planéité.

 

6. La main et la flèche. 1930-1939

Autour de 1929, l’élan manque à Matisse face au constat que ses « petits tableaux » de la décennie niçoise « n’en finissent plus ». Devant l’impasse picturale, la première réponse à cette crise a pour nom la lumière – celle qui s’offre à lui lors d’un voyage de cinq mois aux États-Unis et en Océanie. La seconde provient de deux commandes, qui, pour différentes qu’elles soient dans leur format, permettent une appréhension renouvelée de l’espace : d’abord en 1931 avec une « grande décoration » murale, La Danse, conçue pour le Dr Albert C. Barnes à Merion, près de Philadelphie puis dans celui réduit du livre, avec les illustrations des Poésies de Mallarmé, publié chez Skira en 1932. La confrontation avec cet espace donne à Matisse l’impulsion définitive pour introduire le signe dans son art. Sa « peinture d’intimité » magnifiait la forme en la métamorphosant. La peinture « architecturale », en revanche, impose une vision de loin qui n’a d’autre choix que l’éclosion du signe. Mais s’il est vrai, comme le dit Matisse, que la « main indique moins clairement le chemin que la flèche », la forme et le signe continuent de cohabiter dans l’œuvre. Car c’est justement l’étude inlassable de la figure ou de l’objet – sa forme – qui, en suggérant le signe adéquat, va l’abréger, le résumer. Ainsi, l’efflorescence du jabot d’une robe ou le corps de la danseuse pris dans l’élan du mouvement ont chacun le leur, traduits par l’arabesque.

 

7. Densité maximum. 1940-1948

Passé à un « poil de chat angora » de la mort après une grave opération en 1941, Matisse envisage l’existence comme un supplément de vie qui l’oblige. Il mène de nouvelles conquêtes sur tous les fronts. En dessin comme en peinture, la décennie a peut-être quelque chose des « années ardentes » d’après 1905, lorsque l’intensité sensorielle se manifestait par une couleur immersive. Un an plus tôt, en avril 1940, Matisse achevait sa Blouse roumaine, destinée à devenir une icône de la France libérée, inspiratrice de créateurs au seuil de leur art, voyant dans cette peinture une véritable « profession de foi » (Éric Rohmer). La qualité expansive de l’œuvre tricolore anticipe les « Intérieurs de Vence », ces toiles de 1947-1948 annonciatrices d’un véritable « esprit du temps », où toute notation de profondeur spatiale est abolie au profit d’une « perspective de sentiment ». Inversant leur fonction première, ce sont les objets qui habitent Matisse : parmi eux, un fauteuil rocaille en argent teinté au vernis, une peau fauve sont unis par un même amour, ce mot érigé en principe plastique de la dernière décennie. « Hausser le ton » de la surface picturale, la porter à son point extrême d’incandescence, c’est le projet de ces dernières peintures de chevalet, nourries de deux expériences d’une extrême novation – en dessin, les Thèmes et variations, et les gouaches découpées de Jazz.

 

8. Jour de la couleur. 1948-1951

À près de quatre-vingts ans, Matisse entreprend ce qu’il nommera son « chef-d’œuvre » : la chapelle dominicaine du Rosaire de Vence. Aboutissement des recherches de toute une vie menées autour de l’équilibre du dessin et de la couleur, cette œuvre d’art totale, par-delà la conception de l’architecture, embrasse les décors, les vitraux et jusqu’aux objets et vêtements liturgiques. Si Matisse est resté jusqu’au bout un libre penseur, il élabore néanmoins ce dernier grand projet dans une authentique forme de communion. Cette création s’écrit à plusieurs mains, dans un échange ininterrompu avec sœur Jacques-Marie – son ancien modèle Monique Bourgeois –, mais aussi avec le père Couturier et le frère Rayssiguier. Pour une religion du livre, Matisse entend réaliser une chapelle à l’image d’un immense volume ouvert. Au nord et à l’est, ses dessins noirs, émaillés sur des carreaux de céramique vernissée blanche représentent une Vierge à l’enfant et un grand saint Dominique, qui n’ont d’autre visage que la délinéation très pure du trait au pinceau à laquelle s’oppose la ligne heurtée et « volontairement signalétique » du chemin de croix. Sur le mur opposé, à l’ouest et au sud, l’artiste conçoit, grâce à sa technique des papiers découpés, des vitraux bleus, jaunes et verts vifs sans figures, « rien que le patron des formes ». Le dialogue d’une page à l’autre se fait à l’heure de la messe, quand le soleil frappe perpendiculairement le bâtiment, traversant les vitraux pour iriser les scènes religieuses en noir et blanc de ce que Matisse nommait « tout un orchestre de couleurs ».

 

9. L’image géante. 1951-1954

Envisagés comme des correctifs ou des outils d’agencement de la composition en cours pour La Danse de la Barnes Foundation et certains tableaux des années 1930, les papiers découpés sont conçus à partir en 1943 dans le livre Jazz comme une technique à part entière, quoique encore transposée par le procédé de l’impression. Au soir de son existence, ils reflètent chez Matisse la conscience que s’ouvre désormais un champ exploratoire, à la fois neuf et dans la lignée de toute son œuvre, qui comptera pour l’avenir. La réflexion sur la surface picturale de Matisse est maintenant celle d’une vie entière. Ainsi, c’est après-guerre qu’il peut redire la préoccupation constante du « sentiment de la surface » – cette leçon tirée de Paul Cézanne. Que le plan de la toile sur lequel se trouveront bientôt les papiers colorés et découpés soit issu de cette leçon en monumentalité ne fait pas de doute. Car il n’est pas un point « qui s’enfonce ou qui faiblisse » dans les compositions du maître d’Aix, comme Matisse l’avait fait remarquer. Cette conception unitaire de « la grande décoration », portée très haut par l’artiste, trouve avec les papiers découpés son point d’achèvement. Les « Nus bleus » ou La Tristesse du roi, sont en réalité pareillement monumentales, en étant toujours au-delà de leur échelle réelle. Plusieurs commentateurs de l’œuvre ont noté que l’on se souvient toujours d’un Matisse plus grand qu’il ne l’est en réalité. C’est que « l’image géante » des papiers découpés résume l’espace expansif poursuivi par Matisse sa vie durant.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

AUTOUR DE L’EXPOSITION

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Matisse

 

Soirée Matisse  Petite salle, entrée libre  Date à déterminer …

 

En lien avec l’exposition, une « Soirée Matisse » propose une rencontre autour d’un livre inclassable, duquel rayonne une multitude d’objets de réflexion : Henri Matisse, roman, publié par Louis Aragon aux éditions Gallimard en 1971, mais conçu trente ans plus tôt, dès sa rencontre avec le peintre à Cimiez en 1941. Au défi de faire le portrait de l’artiste, Aragon répond : oui, si c’est un roman. Par cet artifice, le poète tient son sujet à distance pour mieux le regarder : ce sera ce « Matisse vu de loin » tel qu’Aragon le formule à Matisse, dès 1942.

Trois invités, réunis autour de la commissaire de l’exposition Aurélie Verdier, discutent du rapport singulier qui unit le peintre et le poète, éclairant une œuvre picturale majeure du 20e siècle par le biais d’un objet littéraire-limite. Avec Philippe Forest, écrivain Rémi Labrusse, historien de l’art, Professeur à Paris-Nanterre Denis Hollier, professeur à New York University

 

Publications

Matisse, comme un roman

Catalogue de l’exposition Sous la direction de Aurélie Verdier

Format : 21 × 27 cm 320 pages

Relié toilé 45€ Tirage à 16 000 ex.

Sommaire

— Avant-propos, Serge Lasvignes

— Préface, Bernard Blistène

— « Roman Matisse », introduction d’Aurélie Verdier Corpus d’œuvres, 310 œuvres réparties en 9 sections chacune ouverte par une citation littéraire Essais

— « L’amour m’expose », Aurélie Verdier

— « La volonté du tableau », Gaku Kondo

— « Peindre solide » : Henri Matisse et l’œuvre reproductible, Claudine Grammont

—« Car la merveille, c’est qu’il y a aussi un Matisse écrivain », Anne Théry

—« Aujourd’hui, l’Intérieur aux aubergines », Rémi Labrusse Biographie

— « Henri Matisse, une biographie critique », Anne Théry Annexes

— Liste des œuvres et documents exposés

— Bibliographie sélective

 

Matisse, comme un roman

Album de l’exposition

Auteurs Marion Diez et Anne Théry

Format : 27 × 27 cm

60 pages 9,50€ Tirage à 20 000 ex.

 

Commissaire

Aurélie Verdier Conservatrice, Collection moderne, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris

Chargées de recherche

Anne Théry Assistante commissaire

Marjolaine Beuzard Attachée de conservation

Scénographe : Camille Excoffon

 

L’exposition bénéficie du soutien de Matisse comme un roman Dossier de presse Henri Matisse, Roman, n°1, 1951 Revue, 25,2 × 17 cm (fermée) Centre Pompidou, Bibliothèque Kandinsky, Paris © Succession H. Matisse Photo © Centre Pompidou, Mnam-Cci, Bibliothèque Kandinsky / Dist. Rmn-Gp 1— Louis Aragon, « Anthologie I » dans Henri Matisse, roman (1971), Paris, Gallimard, Collection Quarto, 2013, p. 373. 2— Jean Clay, « Matisse explique Matisse », Réalités, février 1973, p.82-97. 3— Lettre de Henri Matisse à Marguerite Duthuit, n325, non datée, (1949-1950), citée dans Rémi Labrusse, Matisse, la condition de l’image, Paris, Gallimard, 1999, p. 37. . En partenariat média avec Grand mécène Grand mécène L'exposition est organisée avec le soutien exceptionnel des musées : Musée de Grenoble Musée départemental Matisse du Cateau-Cambrésis Musée Matisse de Nice Musée national Picasso-Paris

 

INFORMATIONS PRATIQUES

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mus%C3%A9e_national_d%27Art_moderne

Centre Pompidou (Beaubourg),
Place Georges Pompidou,
75004 Paris

 

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